Rached Ghannouchi (au centre) lors d'une manifestation devant l'ambassade égyptienne à Tunis, le 4 février dernier. Crédits photo : © Louafi Larbi / Reuters/REUTERS
Après vingt-et-un ans de clandestinité, jamais Ennahda («Renaissance») n'avait à ce point mérité son nom. Dimanche matin, quelques centaines de sympathisants se sont rassemblés dans la salle des fêtes du quartier Ezzahra, dans la banlieue sud de Tunis, pour assister à la première manifestation publique du parti islamiste. Un concert de musique traditionnelle, les discours des caciques du parti et quelques invités de marque tel qu'Ali Ben Romdhane, secrétaire général du puissant syndicat UGTT et proche, dit-on, d'Ennahda. Les femmes voilées d'un côté, les hommes de l'autre. «Nous rendons hommage à nos martyrs », explique Habib Ayachi, l'un des organisateurs. Cérémonie du souvenir, mais surtout coup d'envoi de la campagne pour l'élection, le 24 juillet, d'une Assemblée constituante. Habib Ayachi, qui est enseignant en théologie, est l'un des quelque 30 000 militants ou sympathisants islamistes incarcérés dès le début des années 1990 par le régime de Ben Ali. Il comptabilise seize années de prison et semble ébahi par cette ambiance festive.
Légalisé il y a tout juste une semaine, Ennahda refait littéralement surface. «Un grand meeting est prévu dans les jours qui viennent à Tunis», chuchote Ayachi en cherchant furtivement du regard une présence indésirable, c'est-à-dire policière. «Il n'est pas facile de se défaire des vieux réflexes», explique en souriant Hajmi Lourimi, qui affiche lui aussi dix-sept ans et demi de prison et plusieurs séances de torture. Libéré en 2007, Hajmi, 48 ans, a repris ses études de philosophie. Il prépare un master consacré à Emmanuel Lévinas, «le philosophe de l'altérité», dit-il. Il est aussi membre du bureau exécutif d'Ennahda, une instance qui comprend «dix-sept personnes, dont deux femmes».
Au lendemain des législatives d'avril 1989 à l'issue desquelles Ennahda avait remporté officiellement 17 % des suffrages - en réalité beaucoup plus -, Zine el-Abidine Ben Ali avait décidé d'exclure du champ politique le parti islamiste. La victoire du Front islamique du salut (FIS) en Algérie lors des législatives de juin 1990 lui avait offert l'occasion d'exploiter la menace d'un effet domino. Après avoir fait table rase de l'opposition islamiste, il avait mis au pas celle des laïcs.
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